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Marchés publics : comment garantir l’égalité entre les candidats ?

Par Maître Sarah BOUËT

Lorsqu’une administration lance un appel d’offres, elle doit respecter un principe fondamental : traiter tous les candidats à égalité, qu’ils soient nouveaux venus ou déjà titulaires du marché en question. Ce principe d’égalité est au cœur du droit de la commande publique, et son non-respect peut entraîner l’annulation du marché par le juge.

⚖️ L’égalité de traitement : un principe cardinal

L’article L.3 du Code de la commande publique pose le cadre : liberté d’accès, égalité de traitement et transparence doivent guider toute procédure d’attribution. Ces principes garantissent non seulement une concurrence loyale, mais aussi la bonne utilisation de l’argent public.

🎯 Problème : le candidat sortant part avec un avantage

En pratique, les choses se compliquent quand le candidat sortant — celui qui exécute déjà le marché — décide de concourir à nouveau. Il dispose bien souvent d’informations que les autres n’ont pas : données techniques, retour d’expérience, connaissance fine du site ou des interlocuteurs. Autant d’éléments qui peuvent fausser la concurrence.

C’est pourquoi les juges exigent que toutes les informations utiles à l’établissement d’une offre sérieuse soient communiquées à tous les candidats, même si elles sont détenues uniquement par le titulaire sortant.

📚 Exemples concrets issus de la jurisprudence

  • Marché de nettoyage avec reprise du personnel (TA Paris, 2009) : la Ville devait transmettre, sous réserve du secret des affaires, les données que seul le titulaire sortant détenait, afin de permettre aux autres candidats de proposer une offre équivalente.
  • Marché de dépistage médical (CE, 2019) : l’administration n’avait pas partagé certaines données cruciales détenues par le sortant. Résultat : le Conseil d’État a annulé toute la procédure.
  • Marché public de la Ville de Paris (CE, 2021) : un sous-critère d’évaluation favorisait un ancien prestataire, qui avait déjà travaillé sur le même bâtiment. Là encore, l’égalité de traitement a été jugée rompue.

🧩 Quelles informations doivent être partagées ?

Il ne s’agit pas de forcer un prestataire à dévoiler des éléments confidentiels sur sa stratégie ou sa situation financière. En revanche, les données techniques, quantitatives ou opérationnelles qu’il détient du fait du précédent marché doivent être rendues accessibles à tous.

Concrètement, cela peut passer par une note technique annexée au règlement de consultation, contenant ces éléments « privilégiés ».

✅ Ce qu’il faut retenir

  • L’égalité entre candidats impose de compenser l’avantage informationnel du sortant.
  • L’acheteur public doit diffuser, à tous, les données essentielles à la bonne compréhension du marché.
  • À défaut, la procédure peut être annulée pour rupture d’égalité.

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